dimanche 23 mars 2025

Comment j'ai défié un prix Goncourt avec l'intelligence artificielle


L'Intelligence Artificielle Défie le Prix Goncourt : Récit d'une Expérience Époustouflante

Une nouvelle ère s'ouvre-t-elle pour la création littéraire ? C'est la question vertigineuse qui a animé un défi audacieux lancé par le magazine Le Nouvel Obs : confronter un lauréat du prestigieux Prix Goncourt à la puissance de l'intelligence artificielle. Dans ce récit captivant, Benoît Raphaël, accompagné de Thomas Mahier (ingénieur en IA) et de FlintGPT, nous raconte comment il a armé l'IA Claude pour rivaliser avec Hervé Le Tellier, Prix Goncourt 2020 pour "L'anomalie".

L'objectif était simple, en apparence : écrire une nouvelle de trois mille signes avec une première phrase imposée ("Il aperçut dans son bureau le corps sans vie de l’écrivain") et une dernière également définie ("‘Tout est pardonné’, pensa-t-elle avant de disparaître"). Dans le camp des humains, un écrivain reconnu pour son talent. Dans le camp de l'IA, Benoît Raphaël, exploitant la puissance de ChatGPT et surtout de Claude. Loin de s'attendre à une victoire, l'auteur de ce défi s'était préparé à une "humiliation avec panache". Mais le déroulement des événements allait dépasser toutes les prévisions.

La clé de cette confrontation inattendue résidait dans l'approche adoptée pour guider l'IA. Plutôt que de simples commandes directes, Benoît Raphaël a mis au point un "prompt sophistiqué" fonctionnant comme une véritable "recette de style". Inspirée par des principes littéraires comme ceux de l'Oulipo, cette méthode consistait à décomposer le style en plusieurs couches : structure, rythme, point de vue, motif narratif et tonalité. Des concepts littéraires abstraits comme "quotidien bancal", "digressions jazz" ou "absurdité lucide" ont été utilisés pour façonner le style de l'IA. Ce prompt a été le fruit de longs échanges avec Claude, une technique que Benoît Raphaël appelle le "Dialogue Engineering".

Le résultat fut stupéfiant. L'IA Claude a généré un texte intitulé "Le miroir du défunt". Soumis à plusieurs IA parmi les plus puissantes du moment (dont "o1" de ChatGPT et Grok 3) avec la question de savoir quel texte avait été écrit par un "VRAI écrivain", la réponse fut unanime : le texte 1 (celui de l'IA) était identifié comme une authentique écriture humaine, tandis que le texte 2 (celui d'Hervé Le Tellier, intitulé "Le testament de Louvières") était perçu comme une rédaction par une IA, avec un style plus "efficace" et des références "caricaturales".



Plus troublant encore, une analyse comparée a conclu que le texte généré par l'IA présentait une "qualité littéraire supérieure" en termes d'originalité, de profondeur thématique, de style, de caractérisation et d'impact émotionnel. Mais la réaction la plus éloquente est sans doute celle d'Hervé Le Tellier lui-même. À la question de savoir si le texte de l'IA n'était pas mieux écrit que 50% de ce qui se publie aujourd'hui en France, sa réponse fut sans équivoque : "Oui, bien sûr". Il a même ajouté : "Il va falloir compter avec ça".

Cette expérience soulève des questions fondamentales. Quel sens donner à cette "littérature synthétique" ? Qu'exprime une machine dépourvue d'expérience et d'intention ? La valeur réside-t-elle dans la perception du lecteur ou dans l'expérience de l'écrivain ? Comme le souligne le journaliste Didier Jacob, le texte produit par l'IA est un "texte littéraire à part entière", doté d'un style inventif, de trouvailles et d'une agilité narrative.

Si cette expérience ne remet en rien en question l'immense talent d'Hervé Le Tellier, elle ouvre des perspectives fascinantes sur l'avenir de la création littéraire. L'IA pourrait devenir un collaborateur créatif plutôt qu'un simple outil d'exécution. Des écrivains comme Vincent Ravalec envisagent déjà d'utiliser l'IA pour explorer de nouveaux horizons créatifs. Cependant, il met en garde contre le risque de se contenter d'une production spectaculaire mais potentiellement superficielle si elle n'est pas guidée par un esprit original.

En conclusion, cette confrontation entre un prix Goncourt et une IA, orchestrée par une approche de prompting sophistiquée, démontre le potentiel surprenant de l'intelligence artificielle dans le domaine de la création littéraire. Elle nous invite à repenser notre conception de l'art et de l'intelligence et à envisager l'émergence d'une littérature hybride, fruit de la collaboration entre l'humain et la machine. Si l'IA ne remplace pas l'écrivain, elle pourrait bien devenir un nouvel instrument puissant pour explorer les limites de notre imagination et enrichir le paysage littéraire de demain.

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